La LGV se fait-elle au détriment des trains du quotidien ?
Ce qu'ils disent :
« Le projet de lignes nouvelles favorise ainsi le développement des trains régionaux sur le réseau existant, un développement indispensable aux trains du quotidien et qui est une priorité pour le transport de proximité des habitants des Régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine.»
Vérifions les faits.
Malgré les efforts financiers consentis par l’Etat et les Régions, le réseau ferré français reste toujours aussi vétuste avec une moyenne d’âge approchant les 30 ans (17 ans en Allemagne).
Dans un rapport de 2022, l’Institut Montaigne dresse un bilan plus qu’alarmiste :
« Depuis 2005, plusieurs audits indépendants ont mis en évidence l’insuffisance des ressources allouées à la maintenance, la dégradation très importante du réseau classique, les risques de dégénérescence irréversible et la nécessité d’investissements massifs de rattrapage pour garantir le patrimoine ferroviaire national ».
Dans un rapport de juillet 2023, l’Autorité de régulation des transports constate :
« Malgré l’augmentation des efforts de régénération, l’état du réseau demeure préoccupant […] . La modernisation du réseau avance lentement, faisant craindre un décrochage du réseau français par rapport à ses homologues européens ».
Les rapporteurs conseillent ainsi l’Etat : « Au regard des importants concours publics susceptibles d’être mobilisés en faveur du réseau ferroviaire dans les prochaines années, la mise en place d’un cadre incitatif à la performance de SNCF Réseau apparaît comme une condition essentielle pour assurer à l’ensemble des financeurs (usagers, État et collectivités locales) que le gestionnaire d’infrastructure mobilise les ressources disponibles de la manière la plus efficace possible. » (Synthèse du rapport pages 8 à 11)
Des rapports en contradiction avec l’autosatisfaction affichée par les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie. Aujourd’hui tout le monde s’accorde pour dire que la politique du « tout LGV » a confisqué les investissements dans le ferroviaire et est responsable du délabrement du réseau conventionnel, celui des « trains du quotidien ».
Pour l’instant SNCF Réseau et l’Etat continuent de construire des LGV inutiles plutôt que d’investir massivement dans la rénovation du réseau existant réseau.
« On fera les deux à la fois » C’est ainsi que les politiques et la SNCF tentent de répondre. Gilles Savary, rapporteur de la réforme ferroviaire, dénonce un « nouveau hold-up pour une nouvelle génération de LGV ». (Source : Gilles Savary, La Ville inaccessible.)
Nous sommes bien loin du compte et la France a renoué avec les démons du passé : construire des LGV « coûte que coûte ».
Dans une interview donnée à Villes, Rail & Transports, Yves
Crozet, éminent économiste, spécialiste de l'économie des transports et des services publics, déclare : «
Le gouvernement a fait des promesses intenables sur les LGV ».
Selon cet expert, le Conseil d’orientation des infrastructures à travers son récent rapport dit au
gouvernement : « vous avez changé de logique et avez renoué avec les vieilles traditions des grands
élus en donnant votre feu vert sur des projets qui dévorent tous les fonds. »
Il se montre sévère à l’égard de l’Union européenne en déclarant : « Les subventions de l’Europe pour
les grands projets et les LGV sont des pousse-au-crime. »