Quels profils de voyageurs pour les LGV ?

Publié le 18 octobre 2023

Ce qu'ils disent :

Le profil des voyageurs utilisant les lignes à grande vitesse est large : professionnels, touristes, familles… pour des déplacements de loisirs et professionnels.

Sur les motifs de déplacements : 65% ont pour motif principal les loisirs ou raisons personnelles (vacances, week-end, visite d’un proche), 27% sont des déplacements professionnels.

Vérifions les faits.

  • 5% des usagers du train empruntent la grande vitesse, c’est-à-dire une minorité par rapport à ceux qui empruntent « les trains du quotidien ».
    Source : Autorité de Régulation des Transports (ART, anciennement ARAFER), Données du marché français de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises.

  • Les questions qui se posent :
    - Est-ce que 65% des usagers qui utilisent le TGV comme moyen de déplacement pour les loisirs ou des raisons personnelles (vacances, week-end, visite d’un proche) doivent impérativement se déplacer à 300km/h ?
    - Des vitesses plus raisonnables aux alentours de 220km/h ne sont-elles pas suffisantes pour ce type de déplacement ?
    - A l’heure de la sobriété énergétique est-ce un choix raisonnable ?

  • 27% sont des déplacements professionnels :

    • Depuis la fin des années 1970, la grande vitesse a cannibalisé les investissements du ferroviaire laissant le réseau classique se dégrader de manière importante avec des risques de dégénérescence irréversible nécessitant des investissements massifs de rattrapage.
    • Va-t-on continuer à investir pour cette « élite circulatoire » qui ne représente plus que 2% des usagers du train ?
    • En Europe (sauf en Espagne et en France), les choix ont souvent été différents privilégiant des trains confortables, avec une qualité du service permettant de travailler à bord et s’accommodant de vitesses « moins supersoniques ».
    • Exiger le financement des LGV par les collectivités locales pour une clientèle aisée « alors qu’il aurait été socialement plus pertinent de le laisser à la disposition des collectivités locales pour financer les lourds développements de leurs réseaux urbains et périurbains » comme l’écrit Gilles Savary dans "La ville inaccessible" (édition Le Bord de l'Eau, 2023).

    Ce spécialiste du ferroviaire dénonce « un nouveau hold-up sur les finances provinciales pour une nouvelle génération de LGV ».

  • L’apparition d’une génération de navetteurs et le recours au télétravail

    Ces dernières années, l’attractivité manifestée par des populations actives aisées de Paris et de l’Ile de France pour certaines agglomérations françaises de la façade atlantique, plus tempérées que celles du midi, s’est spectaculairement amplifiée avec la pandémie de Covid de 2020. Voir notamment l'analyse suivante : Crise sanitaire et développement du télétravail : davantage de départs des pôles des grandes métropoles et de l’aire parisienne, INSEE, 2023.

    Pour certaines professions cette qualité de vie retrouvée est compatible avec un exercice professionnel normal grâce au télétravail et la possibilité de rallier Paris grâce à la grande vitesse ferroviaire. Ainsi, l’émergence d’une nouvelle génération de voyageurs celle de « navetteurs » née quelques années auparavant avec la délocalisation de populations franciliennes vers la proche province.

    Aujourd’hui, cette délocalisation frappe des métropoles plus éloignées comme Rennes ou Bordeaux grâce à l’extension des LGV.

    La LGV a attiré vers Bordeaux par exemple des populations aisées à fort pouvoir d’achat. Elle a puissamment participé au renchérissement du foncier et de l’immobilier rejetant vers des périphéries lointaines de nombreux ménages de travailleurs locaux incapables de louer ou d’accéder à la propriété en ville ou d’y revenir. Il s'agit d'une certaine sélection socio-territoriale... Quelques sources sur ce sujet :

    L’extension du réseau à grande vitesse sur les axes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne verra ce phénomène délétère se développer.
    Déjà la spéculation sur l'immobilier apparaît, en voici une preuve parmi tant d'autres :

    La Une de Capital dont le titre est LGV Bordeaux-Toulouse : les villes où investir pour rentabiliser votre opération immobilière

    "... une rentabilité brute importante et fortes chances de voir son bien prendre de la valeur..." Tout est dit !


    Dans des régions sur-fréquentées par le tourisme comme le littoral atlantique frappé par des problèmes de logement, avec une difficulté croissante à loger ses travailleurs et ses jeunes, ce phénomène ne fera que s’accentuer avec l’arrivée de la LGV.

  • C’est la crainte et la mise en garde des opposants au GPSO largement partagées et relayées par les élus locaux (nb: parmi ces nombreux élus, les élus de la communauté d'agglomération Pays basque qui a voté à plus de 70% contre le projet GPSO. La flambée du foncier, de l'immobilier et la difficulté à loger jeunes et travailleurs constituaient les raisons essentielles de ce refus.)